Sylvain Delzon

Sylvain Delzon
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Les influences du changement climatique sur les arbres

L’écophysiologiste Sylvain Delzon cherche à comprendre les corrélations entre la sécheresse et le bien-être des arbres. À BIOGECO, unité de recherche INRAE et Université de Bordeaux, ce directeur de recherche a mis en place un appareil unique pour mesurer la résistance à la sécheresse : le cavitron.

« La cavitation, ou dysfonctionnement hydraulique, correspond à l’apparition d’une bulle d’air lors de sécheresses dans les conduits de l’arbre. Lorsque la bulle d’air se propage on appelle ça l’embolie. Ceci a pour conséquence de rendre les conduits impropres au transport de l’eau et peut conduire à la mort de l’individu. » Sylvain Delzon utilise cette explication qui semble sortir tout droit d’un dictionnaire pour justifier de l’intérêt de ses recherches. Les mesures faites avec le cavitron, centrifugeuse modifiée, permettent de simuler une sécheresse en laboratoire. Ce drôle d’outil, mondialement connu, permet d’obtenir des courbes de vulnérabilité à la sécheresse des arbres de par le monde. Ce travail de laboratoire vient en complément de la deuxième mission du directeur de recherche, le monitoring in situ. Cette approche consiste à suivre les arbres dans leur milieu naturel, c’est-à-dire dans la forêt et à quantifier leurs réponses aux modifications environnementales. Ces arbres sont géolocalisés au centimètre près et son équipe constituée d’ingénieur·es et de technicien·nes s’y rend toutes les semaines durant le printemps et l’automne pour observer les stades phénologiques des arbres, c’est-à-dire leurs phases de développements saisonniers : feuillaison, floraison, fructification et jaunissement automnal. Ces études de terrain sont primordiales car la phénologie est un indicateur du changement climatique.

Des voyages passionnants

Sylvain Delzon a été amené à voyager pour ses recherches. Il est allé par exemple six mois en Australie pour explorer les nouvelles perspectives de recherche offertes par les écosystèmes de ce continent.

Parmi les terrains mémorables arpentés pour ses recherches, l’écologue s’est rendu au milieu des séquoias en Californie. Sans aller à l’autre bout du monde, le chercheur se promène souvent dans les Pyrénées, en France. Il rencontre une première fois la forêt étudiée, puis les échantillons (des branches) dont il a besoin par la suite sont envoyés au laboratoire directement. Les voyages ne sont pas systématiques pour effectuer les récoltes d’échantillons, mais le directeur de recherche affirme que « nous ne pouvons pas avoir d’idées et des projets de recherche si nous ne sommes jamais allés en forêt. »

« Nous ne pouvons pas avoir d’idées et des projets de recherche si nous ne sommes jamais allés en forêt »

Même si le terrain de recherche de Sylvain Delzon est la forêt et qu’il apprécie s’y balader, il passe également beaucoup de son temps libre dans les campagnes agricoles à s’intéresser à l’agroécologie. Il souhaite comprendre « comment les agriculteurs utilisent les couverts végétaux en s’inspirant du cycle forestier, comment ils arrivent à ajouter des nouvelles cultures dans leur rotation, à réduire leur utilisation d’herbicides etc. »

L’application des recherches

Les mécanismes identifiés avec le cavitron servent à faire des modèles de prédictions à long terme, dont les résultats sont utilisés par les forestiers pour connaître les espèces qui seront résistantes dans un climat futur plus chaud. Par ailleurs, le cavitron est aussi utilisé pour savoir quelles espèces pourraient bientôt succomber à cause du réchauffement climatique en cours. Pour apporter un exemple concret, dans le sud-ouest de la France, le chêne pédonculé recule alors que le chêne vert prolifère. D’après les mesures au cavitron, il s’avère que le chêne vert est plus tolérant à la sécheresse.

Il possède donc un avantage indéniable dans le contexte du changement climatique. Les mesures de cet appareil s’étendent aussi à des écosystèmes très anthropisés, c’est-à-dire très impactés par les activités humaines, comme les agrosystèmes. Par exemple, le blé est cultivé partout dans le monde et beaucoup de recherches à son sujet sont entreprises afin de trouver la variété la plus productive. Le blé d’aujourd’hui (le blé tendre), obtenu à partir d’un croisement génétique, produit plus de grains que les espèces ancestrales. Les variétés actuelles sont plus productives, mais elles résistent moins au réchauffement climatique. Sylvain Delzon informe que « sélectionner [les variétés] sur le seul critère de rendement a un impact négatif sur leur résistance à la sécheresse. » Avec les années sèches, les enjeux changent et la résistance à la sécheresse est une caractéristique à ne plus laisser de côté. L’écophysiologiste cherche donc à comprendre les mécanismes sous-jacents de la résistance au changement climatique pour que les chercheurs dans les domaines appliqués puissent savoir quelles espèces sont résistantes et lesquelles ne le sont pas.

Bonnie MARTINS

« Ce qui serait idéal, ce serait d’avoir un laboratoire qui se trouve à proximité de tous les biomes [NDLR un ensemble d’écosystèmes aux conditions écologiques identiques : un climat, une faune et une flore similaires] : un biome tropical, un biome désertique et un tempéré. Un laboratoire où l’on pourrait travailler sur les plantes les plus résistantes du monde vivant dans un milieu extrêmement sec et de l’autre côté on ouvrirait l’autre porte et on tomberait sur un écosystème où il fait 38°C tous les jours et il pleut toutes les nuits. Cela pourrait être idéal pour comprendre leur fonctionnement plus rapidement sans avoir à se déplacer, consommer du carbone, etc. »