La Cité immortelle
La cité immortelle​, Terre et Toits

La ville, décor de bon nombre d’intrigues, est représentative d’un ordre politique et social. D’un côté, l’organisation des villes dépend des conditions sociales de ses habitant·es (travail, genre, origines, etc.). De l’autre, des facteurs environnementaux extérieurs menaçant la ville (catastrophes naturelles, radioactivité, prédateurs, etc.) induisent des stratégies qui répondent aux peurs de ses habitant·es. A l’image  des craintes passées et actuelles, les villes fictionnelles répondent à un besoin d’extérioriser ces peurs. La volonté d’élaborer des solutions, qu’elles soient techniques, environnementales ou politiques, se retrouve dans les œuvres présentées. 

.

Un mythe comme première pierre des villes futures

L’Atlantide est une ville utopique connue pour son avancée technologique et sa submersion par l’océan. Ce mythe provient des écrits de Platon, dans son ouvrage Critias.

Cette ville imaginaire fascinante est à l’origine de nombreuses croyances. Elle a également induit de nombreuses théories scientifiques en géologie, archéologie, sociologie et architecture urbaine. À la frontière entre sciences et pseudo-sciences, l’Atlantide a nourri des réflexions philosophiques et sociologiques sur la construction des villes du futur. 

Platon retranscrit les aménagements urbains et architecturaux atlantes, pensés en fonction de l’organisation sociale de la cité. 

L’Apogée, Thomas Cole, 1836

La destruction, Thomas Cole, 1836

L’Apogée est un tableau (130 × 193 cm) qui montre la cité florissante de Rome. La destruction (100 × 161 cm) dépeint la submersion de celle-ci. L’Apogée et La destruction font partie d’une série de peintures à l’huile, intitulée Le cours de l’Empire. Ces tableaux ont été peints en 1936 par l’artiste américain Thomas Cole.  Du courant romantique, il s’est largement inspiré du mythe de l’Atlantide pour cette série.

Ces données sont reprises par certains penseurs, comme Bacon entre le 16e et le 17e siècle, pour décrire des villes idéales. D’un point de vue architectural, certains bâtiments atlantes sont remarquables. Leurs prouesses inspireront les architectes tout au long de l’histoire.

« Le temple de Poséidon lui-même était long d’un stade [180 mètres], large de trois plèthres [30 mètres] et d’une hauteur proportionnée à ces dimensions. »
Platon
Critias
Silo

.

Une dystopie claustrophobe : l’humanité enfermée sous terre

Dans le roman Silo d’Hugh Howey, la ville se construit verticalement, mais sous la terre. Il y a une ségrégation socio-spatiale verticale entre les différents habitant·es du silo.

Présentation de l’intérieur du silo sur la chaine Youtube EMG CZ

Au sommet, les  membres  de  la  classe  supérieure et à l’opposé les ouvrier·es. Un escalier vertical occupe le centre vide. Cet escalier central est l’unique voie de communication et lieu de mouvement. Il rappelle un type d’architecture des prisons : le panoptique. Habituellement, ce dispositif permet à un·e gardien·ne, logé·e dans une tour centrale, d’observer tous·tes les prisonnier·es, sans que ceux·celles-ci puissent savoir s’ils·elles sont observé·es.

Silo est un roman américain de science-fiction post-apocalyptique écrit par Hugh Howey (2012). A une époque indéterminée, l’air sur Terre est devenu irrespirable. Pour survivre, les êtres humains ont été obligés de vivre dans un immense silo souterrain.

Couverture du roman Silo, édition Le Livre de Poche, 2016

Dans le silo, la surveillance n’est pas visible à l’intérieur. Les seules caméras de surveillance sont à l’extérieur pour filmer le vide. La surveillance des citoyen·nes fonctionne à rebours : en leur montrant un extérieur interdit et toxique, cela suffit à les garder à l’intérieur.

valérian

.

Comment respire-t-on dans une ville sans nature ?

Sur une planète-ville où la nature a été complètement exclue comme la Cité des milles planètes dans Valérian et Laureline, recycler l’air devient vital.

En effet, les végétaux ne sont plus là pour réaliser la photosynthèse et produire de l’oxygène. 

Pour produire artificiellement cet air respirable, il est possible d’avoir recours à l’ACLS (Advanced Closed Loop System). Grâce à ce processus, le CO₂ est transformé en eau (H₂O) et en méthane (CH4) grâce à l’ajout d’une autre molécule, le dihydrogène (H₂). Le méthane, n’étant pas utile, est rejeté dans l’espace.

L’eau permet de former une molécule d’oxygène (O₂) et une molécule de dihydrogène (H₂). Celle-ci est réutilisée pour la transformation du CO₂.

Image de la ville dans le film Valérian et la cité des mille planètes de Luc Besson sorti en 2017

Extrait de la bande-annonce du film Valérian et la cité des mille planètes de Luc Besson sur la chaine Youtube FilmsActu

Valérian et la Cité des mille planètes est un film de science-fiction français écrit, produit et réalisé par Luc Besson, sorti en 2017. Ce film s’inspire de la bande dessinée française Valérian et Laureline, écrite et dessinée par Jean-Claude Mézières et Pierre Christin. L’histoire suit Valérian et Laureline, deux agents spatio-temporels, dans leurs aventures spatiales.

Cette technologie est en cours de développement par l’ESA (European Space Agency). Ce système permettra aux astronautes de réaliser des missions plus longues, sans besoin de ravitaillements, comme des missions à destination de la Lune ou de Mars.

.

Quand la ville reflète la société qui l’habite

L’intrigue de Cyberpunk 2077 se déroule dans un monde où règnent les inégalités et où les mégacorporations ont une influence prédominante sur la société. Ainsi, la course au pouvoir, à la séduction et à l’immortalité sévit dans cet univers fictif.

Visite de la ville de Night City sur la chaine Youtube PC Gamer

Dans ce jeu vidéo futuriste comme dans de nombreux autres, la ville n’est pas seulement un décor. Elle s’inscrit comme un élément structurel à part entière d’une société futuriste. Les choix architecturaux et urbanistiques de celle-ci créent ainsi une atmosphère hostile et donnent de la profondeur au scénario dystopique du jeu. La ville du futur reste néanmoins marquée par sa standardisation. Elle est caractérisée par ses grands buildings, ses illuminations nocturnes ou encore sa technologie de pointe.

Cyberpunk 2077 est un jeu vidéo développé par CD Projekt RED, éditeur polonais. La trame du jeu prend place en 2077 dans la mégapole futuriste de Night City. Dans ce monde futuriste à tendances cyberpunk et dystopique, l’usage de la technologie s’est libéralisé. Elle sert notamment à augmenter les capacités corporelles humaines et est au cœur des mécaniques du jeu.

Plan de la ville de Night City dans le jeu vidéo Cyberpunk 2077

À l’image des villes comme New-York ou Hong Kong, dans Cyberpunk 2077, la vie dans la ville fictive de Night City ne s’arrête jamais. À la fois attirante, inspirante et dynamique, elle est aussi et surtout oppressante, imposante et inquiétante :  l’organisation de la ville imaginaire reflète les travers de la société qui l’habite. 

Paroles de chercheur·es

À l’image  des craintes passées et actuelles, les villes fictionnelles répondent à un besoin d’extérioriser des peurs. Après l’exploration de quelques villes imaginées dans la fiction, il s’agit de s’intéresser aux projets de villes réelles. 

Louise Jammet, architecte et docteure en sociologie au laboratoire PAVE du Centre Emile Durkheim à Bordeaux, explique son point de vue sur la construction des villes du futur. Dans sa thèse, elle a travaillé sur 8 projets de villes. Ceux-ci promeuvent une sorte d’utopie qui malgré tout continue de s’appuyer sur les mêmes valeurs de libéralisation de l’économie et de concurrence traditionnelle.

« La ville idéale pour le futur peut être décrite en se basant sur la société qui l’habitera. [...] Il faut d’abord changer radicalement la société avant de pouvoir imaginer la ville ou les espaces que l’on va habiter dans le futur. »
Louise Jammet
Architecte et chercheuse en sociologie
Sources

Un mythe comme première pierre des villes futures

 

Une dystopie claustrophobe : l’humanité enfermée sous terre

  • Aurélie Villers, « La trilogie Silo de Hugh Howey : vers une troisième dimension perdue », dans Voyages intérieurs et espaces clos dans les domaines de l’imaginaire (littérature, cinéma, transmédias), XIX-XXIe siècles, D. Gachet, F. Plet-Nicolas et N. Vas Deyres (dir.), « Le Fil à retordre », n° 1, Université Bordeaux Montaigne, mis en ligne le 30 juin 2020.
  • Howey H., Wool, London, Arrow Books, 2013. Pour l’édition française : H. Howey, Silo, trad. Y. Gentric & L. Manceau, Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2013.
  • Couture, Diana Maude. « Se reconstruire après une fin du monde : analyse des sociétés post-apocalyptiques dans trois fictions anglo-saxonne récentes», 2019. https://corpus.ulaval.ca/jspui/handle/20.500.11794/33997

 

Comment respire-t-on dans une ville sans nature?

 

Quand la ville reflète la société qui l’habite